dimanche 6 janvier 2013


Le Hobbit : Un Voyage Inattendu
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Un voyage inattendu, en effet.

Depuis que les Tolkienolâtres ont entamé ce périple en terre du milieu avec le Roi Sorcier Jackson, la route n’a pas été des plus paisibles. Récit speedé aux amphétamines, elfes teints en blonds, nains ridiculisés, et narration façon Blake & Mortimer (« La Bataille Commence ! ») : il n’y avait pas que du bon dans la tarte Hobbite néo-zélandaise. Mais il y en avait quand même. Quelques acteurs pleins de grâce (Frodon, Sam, Faramir…), une réussite incontestable (Gollum), et un final qui donne encore des frissons dans le dos.

Aussi, quand nous apprîmes que Le Hobbit était en chantier, aucune surprise n’était plus envisageable. Jackson s’était emparé de l’Anneau Unique Hollywoodien, celui qui les gouvernait tous : le pognon ! Transformer un gentil conte de fée de 300 pages en trois épisodes de trois heures, c’était osé, quand on avait synthétisé 1000 pages dans le même format. Mais cela répondait à une vraie logique du business : quand on a dans les mains une aussi belle franchise, on n’allait pas la gâcher en 2h30…

Pourtant, l’histoire du Hobbit est simple. Si Le Seigneur des Anneaux – le livre – est une grande fresque, ambitieuse et mature, Bilbo Le Hobbit est une aventure pour enfants sans grande prétention, même très réussie. L’aventure d’un hobbit dans la Terre du Milieu, des nains, un trésor, un dragon, un mystérieux anneau… Aller et retour, et c’est fini.

Faire trois épisodes, c’était forcément ajouter, rajouter… pour faire vendre des figurines de Legolas ou d’Aragorn, même pas dans le livre, des posters de cités naines, des jeux vidéo. Bref, trahir à nouveau le texte pastoral de JRR Tolkien.

Tout à son mépris, le Professore était sur le point de commettre une grave erreur, une erreur ontologique même. Car en vérité, on ne peut pas reprocher à Peter Jackson deux choses à la fois. D’avoir accéléré le bouzin Seigneur des Anneaux et, en même temps, lui reprocher de prendre son temps avec Le Hobbit.

Car c’est tellement rare, un cinéaste qui prend son temps. Ce qui fait du début du Hobbit un moment très agréable, bien mieux réussi que le début de la trilogie, tout en respectant pourtant le même canevas : installation de la méta intrigue (la guerre au royaume des nains), de nouveaux personnages (Bilbo jeune, la compagnie naine de Thorin) rencontrant des anciens (Gandalf), et le développement de l’intrigue même du film…

Le tout est bien amené, bien joué, dans un calme peu fréquent chez Peter Jackson. Une heure où l’on esquisse tranquillement les personnages, avec toutes les subtilités possibles. Ainsi le jeune Bilbo est crédible en hobbit velléitaire, emmené dans une aventure trop grande pour lui. Et en face, les inquiétudes de Gandalf, ou les doutes du chef nain (joué avec subtilité par Richard Armitage, malgré un maquillage catastrophique). Ce temps d’installation sera évidemment payant au final, car ces personnages, confortablement installés dans cette première heure, auront toute une gamme de sentiments à mettre en valeur pendant les deux heures qui suivent.

Après, évidemment, ça se gâte, et on a un peu le sentiment de suivre une immense et interminable cinématique de jeu vidéo. L’image de synthèse permet de tout faire, ce n’est pas une raison pour le faire ! La montagne des Gobelins, sorte d’hommage dérisoire aux mines indiennes d’Indiana Jones et le Temple Maudit, sort des rails au bout de 30 secondes. Le Profanateur Orc, arch-ennemi de ce premier épisode est lui aussi particulièrement caricatural et raté. La direction artistique est souvent catastrophique (les elfes, les nains…), ou irréaliste (les cités gobelines). Tout est propre, voire propret. Il faut éviter de regarder Game of Thrones avant, sinon ça pique les yeux.

On sent aussi le besoin de Saroumane Jackson de payer son hommage à Sauron-Warner Bros : les scènes inutiles de bataille vont donc s’enchaîner (même si elles sont globalement mieux filmés que celles de la trilogie). Les rebondissements aussi : chutes, précipices, embuscades, rien n’est oublié, mais finalement, cela ne suffit pas à entamer notre enthousiasme.

Probablement parce que, contrairement au Seigneur des Anneaux, on accepte ces facilités dans un conte de fée ? Chez ce Hobbit, on est dans un film pour enfants, façon Harry Potter ou Narnia, plutôt que dans une grande fresque épique censée s’adresser aux adultes, et évoquer la tentation du pouvoir, le courage des hommes, ou les ravages de la guerre…

Ensuite parce que cette première partie finit en beauté, avec le retour d’un vieil ami : Gollum, impérial comme toujours. Les conseils de Gandalf, la personnalité de Bilbo, si détaillée depuis le début, prendront alors toute leur saveur dans ce premier affrontement.

On ira donc volontiers voir les deux suivants, parce l’on accepte ces images d’un cinéma finalement désuet ; nous voilà revenus, finalement, au cinéma des années cinquante, avec John Wayne évoluant dans le carton-pâte d’un décor de studio, tandis qu’on projette sur un fond bleu des images de Monument Valley.

Un cinéma purement hollywoodien dans la pire et la meilleure acception du terme, ni plus, ni moins.


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