vendredi 9 juin 2023


Das Boot
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Après une ultime revoyure – le Kapitän Ludovico ayant déjà tout vu : le livre, le film en salle, le film à la télé, la série télé (au moins deux fois), le director’s cut…), le bilan est toujours le même : Das Boot reste un chef-d’œuvre imputrescible, qui ne connait aucune corrosion. Acteurs parfaits, mise en scène parfaite, propos parfait… Rien ne vieillit chez le parangon du film de sous-marin.

Pourtant il est difficile d’imaginer le scandale à sa sortie : film fasciste, osant dire que les Allemands avaient eux aussi combattu de manière héroïque, et qu’il n’y avait pas que des nazis… La controverse fut intense, car Das Boot était le premier.

Selon le principe qui veut que l’histoire soit racontée par les vainqueurs, les Américains avait entièrement accaparé la narration de la seconde guerre mondiale, avec Le Jour Le Plus Long comme prototype… Un Pont Trop Loin, les Douze Salopards, L’aigle s’est Envolé, De L’or Pour Les Braves… tous ces films obéissaient au sacro-saint principe : les héros étaient américains, et les Allemands avaient le mauvais rôle… Il a fallu que le temps passe, et que l’Allemagne fasse son propre examen de conscience (pour reprendre le titre du plus beau livre d’August von Kageneck) pour que les jeunes cinéastes allemands ne se sentent plus responsables des erreurs de leurs parents, et se décident à explorer le grand drame du XX° siécle, vu de leur côté…

Il faut en tout cas bien être aveugle pour voir dans Das Boot un panégyrique nazi. Dès la première scène, un capitaine saoul se moque d’Hitler en fêtant sa décoration… Quand on embarque sur le U-96, seul un jeune « commissaire politique » est un authentique nazi, et il va vite perdre ses illusions…

Les autres membres d’équipage n’ont pas d’opinion, ouvriers au service d’une guerre sous-marine déjà perdue, qui ne cherchent qu’à survivre au milieu des vapeurs de mazout. C’est le génie de Petersen de filmer cette chair à canon aux visages blafards couverts de sueur et de graisse, sous des néons rouges et bleus*. C’est tout simplement l’humanité à l’os que filme le cinéaste ; son courage et sa lâcheté, sa détermination et sa peur.

Malheureusement, Wolfgang Petersen ne deviendra pas un grand cinéaste. Après L’Histoire sans Fin, il fera le voyage fatal Hambourg-Hollywood, passant de cinéaste-auteur à un bon faiseur de l’Usine à Rêves. Avec pas mal de bons films (Dans la ligne de mire, Air Force One, Troie), quelques nanars (Enemy, Troubles, Alerte ! Poséidon), mais sans nouveau coup d’éclat.

*Néons qui marqueront pour toujours Tony Scott (USS Alabama), et les ¾ de la production Simpson/Bruckheimer/Michael Bay …




jeudi 14 juillet 2022


Top Gun Maverick/Michel Sardou
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il y a quelques années, je suis allé voir avec ma sœur Michel Sardou, au Théâtre de la Michodière. Oui, le Professore n’est pas toujours l’apôtre du bon goût. Une comédie de boulevard consternante dont j’ai oublié le nom, avec mari trompé, jeune ingénue et amant dans le placard … Mais nous voulions voir l’idole de notre enfance sur scène. En réalité, le spectacle était dans la salle. Dès le héros arrivé, les fans de Sardou étaient aux anges, trépignaient, riaient à toutes ses blagues et applaudissaient à tout rompre. C’était comme revenir aux racines du théâtre, où l’on vient rire et pleurer depuis vingt-cinq siècles : un pur divertissement populaire qui met les spectateurs en joie. C’est ce qui s’est passé hier à l’UGC Ciné Cité Les Halles ; à chaque intervention de leur héros (ici, Tom Cruise) le public réagissait, applaudissait.

Depuis toujours, l’entertainment – et en particulier Hollywood – travaille le business de la nostalgie. La nostalgie historique d’Autant en Emporte le Vent (le monde perdu du Sud), des années 50 (American Graffitti, Retour vers le Futur) ou la nostalgie cinématographique elle-même : Star Wars faisant revivre les serials des années 30 aux spectateurs des années 70, eux-mêmes se repaissant quarante ans plus tard du revival Disney. Sans parler des sequels (Indiana Jones I, II, III, IV) et du Marvel Cinematographic Universe, qui garantissent des entrées à la simple évocation de leur nom, sans même avoir tourné une seule minute de film.

Et c’est normal d’exploiter cette nostalgie : s’il y a une chose qu’on n’aime pas, c’est être surpris. C’est le succès du McDo : on sait exactement ce qu’on va manger*.

En allant voir Top Gun Maverick, on est dans cette idée : on sait exactement ce que l’on va voir. Mais ici, c’est fait un tel niveau de copier/coller que ça en devient carrément scandaleux. Le film est entièrement conçu autour de l’idée de la nostalgie et ramène à chaque fois le spectateur sur une scène du film primordial. Le père joue Great Balls of Fire ? Le fils joue Great Balls of Fire… La B.O. est composée (forcément !) de musique des années 80 ? On écoute Let’s Dance dans le film de 2022… Maverick fait de la moto avec Kelly McGillis ?  Maverick fait de la moto avec Jennifer Connelly… Kelly McGillis a une Porsche ? Jennifer Connelly a une Porsche. Vous avez l’idée ? L’intrigue, évidemment, est aussi la même : des ennemis invisibles, une mission suicide, des pilotes qui se la pètent et sont rebelles à l’autorité, mais qui, en réalité, ont bon fond. Tout cela – comme le premier Top Gun – est profondément ennuyeux.

Ce ne serait pas trop grave si c’était un peu travaillé, un peu écrit, avec deux ou trois répliques, mais non, il n’y a rien, tout est décalqué, plan pour plan, sur le travail initial de Tony Scott.

On a l’habitude de dire que les films américains sont des produits marketing, mais là, c’est le pire produit marketing qui soit. Un scandale.

Et c’est le gars qui vénère Tom Cruise, Tony Scott, et les Simpson/Bruckheimer qui vous dit ça.

* En allant voir récemment Je Vais t’Aimer, la comédie musicale tirée des chansons de Sardou, le Professore Ludovico et sa sœur récidivaient, tout en savant aussi exactement ce qu’ils allaient voir : le même copier/coller fainéant, version Sardou. 




samedi 28 août 2021


« N’oubliez jamais les petites villes »
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

En 1936, auréolé du succès de Mayerling, Joseph Kessel est accueilli en grande pompe à Hollywood. Déçu par les contraintes qu’on lui impose, il en tire néanmoins un petit livre assez bien vu sur l’Usine à Rêves, Hollywood, film mirage.

Ce qu’il écrit à l’époque est encore valable aujourd’hui. Voilà par exemple ce qu’il fait dire à un producteur :  

« N’oubliez jamais les petites villes d’Amérique, si vous faites des scénarios pour nous. Ne pensez plus que vous travaillez pour les spectateurs évolués d’Europe. Ce n’est pas de New York dont nous vivons, ni de Chicago, ni d’aucun des grands centres. Nous dépendons des cités sans joie, des bourgades où habitent les gens les moins cultivés, les moins informés, les plus primitifs, les plus enfantins, et les plus naïvement sentimentaux du monde. Il faut les faire rire du ventre et non de la gorge. Il ne faut pas les faire pleurer, mais tout juste humecter gentiment leurs paupières. Il faut éviter tout ce qui suppose une connaissance quelconque géographique, historique, ou scientifique. Il faut éviter tout effort de l’intelligence, toute égratignure aux conventions. Songez à cela, et tâcher de nous être indulgent. »

Ça pourrait être du Michael Bay ou du Jerry Bruckheimer




dimanche 5 janvier 2020


Unstoppable
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Unstoppable, c’est, en 2010, le dernier sommet de l’œuvre Simpsono-Bruckheimerienne, alors que Don Simpson est mort depuis quinze ans et que Jerry Bruckheimer, qui travaille avec Disney, sort Prince of Persia.

C’est en tout cas le dernier film de Tony Scott, et un film en tout point remarquable. Basé sur une histoire vraie, Unstoppable raconte comment la fausse manœuvre d’un cheminot (obèse, forcement obèse) lance un train fou sans pilote à travers la Pennsylvanie. A l’autre bout de la voie, le couple éternel vieux con-jeune con qui a fait les beaux jours du high concept (Armageddon/The Rock/Jours de Tonnerre) est en train de manœuvrer un autre convoi. Évidemment, ils vont se retrouver sur la trajectoire du convoi en folie, s’opposer à une bureaucratie éloigné de réalités, etc. Seul les hard working people pourront, une fois de plus, tirer l’Amérique de ce merdier.

Au service de cela, le style de Scott, inimitable. La caméra tournoyant autour de la cabine, nouvelle façon de traiter ce huis clos en deux dimensions (l’avant de la voie, l’arrière de la voie). L’image aux couleurs saturées. Les longues focales semblant écraser le train, qui alternent avec des plans latéraux magnifiant au contraire sa vitesse. Et toujours, Denzel Wasington, impérial, qui trouve un rookie très complémentaire en la personne de Chris Pine. Avec cela, et malgré un scénario couru d’avance, Tony Scott crée de l’émotion. Le film fut un succès en France comme aux Etats-Unis.

Mais Tony Scott se tuera deux ans plus tard, en se jetant d’un pont. Il est inhumé à Hollywood Forever, le cimetière des stars, mitoyen aux studios de la Paramount. Sa tombe est une simple pierre, érigée comme une montagne miniature, avec un petit alpiniste en laiton en train de l’escalader.

Inarrêtable.




vendredi 30 août 2019


Once Upon a Time in Hollywood
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Rien de changé sous le soleil de Tarantino : à nouveau, un film moralement répugnant, et une quantité inimaginable de talent gâché à tous les étages.

Rien de changé non plus à la critique française : Quentin Tarantino, comme Woody Allen ou Clint Eastwood, a la Carte : il beau défendre dans ses films des positions que Trump ne désavouerait pas (par exemple, quiconque entre chez moi par effraction mérite la mort), il passe entre les mailles du filet de la critique bien-pensante. Des mailles pourtant assez fines pour faire la moue devant patriotisme Spielbergien du Soldat Ryan, l’enthousiasme fifties de Zemeckis (voir ici) ou le fascisme supposé de Jerry Bruckheimer.

Non seulement Tarantino se repait de la violence sans la moindre distance, mais il a, depuis quelques films, une fâcheuse tendance à réécrire histoire : sauver l’Europe du nazisme (Inglorious Basterds), venger les noirs de l’esclavage (Django), ou ici, réécrire le meurtre abominable de Sharon Tate. Bizarrement, c’est plus choquant cette fois-ci. Peut-être parce qu’ils sont encore vivants, peut-être parce qu’ils sont directement incarnés ; on n’aimerait pas être à la place de Polanski et de la famille.

Pour autant Once Upon a Time in Hollywood ressemble à tous les autres Tarantino ; depuis Réservoir Dogs, on sait que c’est un cinéphile ; Tarantino aime authentiquement le cinéma, c’est indiscutable. Mais son cinéma s’arrête à cette cinéphilie.

Tarantino ne fait que découper des morceaux de ses films préférés, et, comme un scrap-book, les coller ensemble pour en faire d’autres sur ce modèle. Ce cinéma de copier-coller est fait avec beaucoup de talent, mais que de talent(s) gâché(s) ! Le génie de Di Caprio, la coolitude absolu de Brad Pitt, mais aussi des chefs déco, des éclairagistes, des cameramen et bien sûr, de Tarantino lui-même. Il sait raconter une histoire, il sait monter une scène (la ferme). On comprend qu’il attire les acteurs, car il ne leur donne que du caviar à jouer, comme la scène où Di Caprio joue un acteur qui joue un cowboy qui rate sa scène puis la recommence, le tout en plan séquence.

Tout cela est magnifique et passionnant mais malheureusement cela tourne à vide : Tarantino n’a rien à dire. En visite sur les lieux du crime, le Professore a vu le film au Cinerama Dome, 6360 Sunset Boulevard… Mais le soir, repassait sur une obscure chaîne du câble, entrelardé de pubs, le Boogie Nights de Paul Thomas Anderson.

Toute la différence entre un auteur et un faiseur.




vendredi 1 mars 2019


Le Chant du Loup
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

En tant que spécialistes mondiaux du film de sous-marins, James Malakansar et moi-même sommes contractuellement obligé de voir tous les films de sous-marins, même français. Nous sommes donc allés voir Le Chant du Loup avec deux autres spécialistes ramassés sur place. Après avoir convenu que Das Boot restait la clef de voûte indépassable du sub-movie, on a pu passer à la projection proprement dite.

Le diagnostic au final est mitigé. Après voir ricané dans ma barbe pendant le film, et appelé les mânes de Tony Scott et Wolfgang Petersen, les trois autres spécialistes ont fini par me convaincre – autour d’une planche charcuterie-fromage, il est vrai – que tout n’était pas à jeter. Inventaire, donc.

D’abord tout ce qui cloche dans le film, c’est tout ce qui n’est pas foncièrement américain. Le Chant du Loup fait partie de la catégorie des films « Y’a-que-les-ricains-qui-savent-faire-ça ». Et c’est vrai. L’intrigue sort directement des chantiers navals Simpson-Bruckheimer, où des méchants russes font la nique aux gentils (ici, la France !).

Pendant deux heures, on espère donc voir de vrais héros sous-mariniers se révéler : Denzel Washington, Sean Connery, Jürgen Prochnow, you name it… Car le film – probablement financé par les Russes – démolit la dissuasion française à chaque scène.  Le commandant Grandchamp refuse de prendre le commandaient d’un sous-marin en pleine Troisième Guerre Mondiale (parce qu’il a promis à Bobonne de ne plus reprendre la mer, sic) ; la salle pour appeler l’Elysée est à 400m d’escaliers du PC de l’amiral, on confie deux sous-marins à des officiers qu’on vient de sanctionner (resic : leur « oreille d’or » a confondu un sous-marin russe avec un cachalot (reresic)), celui-là même, en jean et en basket, entre comme crème dans le bunker de l’Etat-major (il vient de raconter son métier à sa nouvelle petite copine avec un drôle d’accent et fume du shit avec elle.), je vous en passe et des meilleures. Si ce n’est pas de la haute trahison, ça y ressemble beaucoup…

Autant dire que tout ça serait passible de peine de mort dans le cinéma de M. Bruckheimer, où les sous-marins portent un nom fier, d’un peuple de gens biens qui vivent dans un état génial, dans le plus grand pays de la terre*. Sans parler de l’Octobre Rouge de M. Connery, où les héros de la Grande Guerre Patriotique tordent le cou des traîtres aussi vite qu’on boit un verre de Vodka.

Le deuxième défaut, c’est l’amateurisme général du Chant du Loup sur le plan cinématographique : mélange des genres, commençant sur un mode documentaire (le nombre de pales des sous-marins, sujet passionnant) qui se termine par une scène où le commandant, en plein surf sur son kiosque, tire sur un hélico à coup de RPG7 ; on a un peu perdu le spectateur entre les deux.

Erreurs de casting ensuite : ni Kassovitz, ni Reda Kateb, ni Omar Sy ne sont crédibles en officiers supérieurs (on est loin du Crabe Tambour), sans parler de François Civil, qui porte bien son nom, puisqu’il n’est ni crédible en militaire, ni en comédien.

Et puis surtout, le pauvre Hitch’ se retournerait dans sa tombe, c’est un film ultra-bavard… Tout est expliqué, rien n’est montré…

Cela étant dit, la dernière demi-heure est assez rigolote et excitante, et la fin, pas mal du tout… une fois que le cinéaste et ses producteurs ont accepté de lâcher les chiens, d’ouvrir les tubes à torpille, de mettre la barre à 15, et de passer enfin au film d’action.

Un jour les gars, il faudra choisir…

*« Capt. Ramsey: It bears a proud name, doesn’t it, Mr. COB? 
Chief of the Boat: Very proud, sir! 
Capt. Ramsey: It represents fine people. 
Chief of the Boat: Very fine people, sir! 
Capt. Ramsey: Who live in a fine, outstanding state. 
Chief of the Boat: Outstanding, sir! 
Capt. Ramsey: In the greatest country in the entire world. 
Chief of the Boat: In the entire world, sir! 
Capt. Ramsey: And what is that name, Mr. COB? 
Chief of the Boat: Alabama, sir! 
»




jeudi 5 janvier 2017


Bilan 2016
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

20 films cette année. C’est dire que le Topten va être facile cette année. 20 films moins 10 Top ten et moins 5 Bottom Five = 5 film à éliminer de ma très short list. La concrétisation d’un désamour du cinéma dans ces colonnes, qui me semble de plus en plus puéril, inachevé, aux personnages inexistants et aux formules toutes faites.

Qu’on soit bien clair : ce n’est pas un désamour du cinéma, ou de la chose filmée en général. J’ai vu une trentaine de long métrages à la télé, pour la plupart des classiques : Wings, Le Voyeur, Pas de Printemps pour Marnie, Sixteen Candles… J’ai vu surtout – peu ou prou – 120 heures de séries cette année, c’est à dire l’équivalent de 60 films ! Et J’ai lu une cinquantaine de livres, notamment sur le cinéma : Retour à babylone, Movie Wars, Seinfeldia, Hollywood sur Nil, L’anticyclopedie du cinéma

Non, c’est bien ce cinéma disparu des années 70-90, celui des auteurs américains first class (Coppola, Kubrick, Cimino) ou indépendants (Hal Hartley, David Lynch) tout autant que celui des grosses machines au bon goût de hamburger* (Spielberg, les frères Scott, Simspon&Bruckheimer) qui manque désormais.

Mais tant pis, never give up, never surrender

* Seul Deepwater entre dans cette case cette année. Symptomatiquement, le film de Peter Berg a été un échec aux Etats Unis.




jeudi 18 février 2016


Air Force
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Avec Air Force on se trouve à l’intersection (comme en troisième, vous vous rappelez, A inter B), du film de guerre et du cinéma de propagande. Donc évidemment ce qui est bien dans Air Force, c’est qui vient de Howard Hawks. Ce qui n’est pas bien dedans, c’est ce qui est du domaine de la propagande.

Ce qui est étonnant, c’est que le film fait beaucoup penser à Pearl Harbor, l’un des plus mauvais films de Michael Bay. Dans les deux cas, le film commence par le traumatisme de la défaite, et se termine de la même façon, par un déluge de feu sur les Japonais: le bombardement de Tokyo, ou celui de la flotte japonaise dans Air Force. Dans les deux cas, les américains gagnent à la fin, et prennent leur légitime revanche.

Le seul intérêt d’Air Force est, à vrai dire, d’y chercher les traces du cinéma Hawksien. Les gars du B-17 Superfortress sont pointus, héroïques, rigolos. On ne s’ennuie pas dans Air Force, car, comme d’habitude, les dialogues sont écrits à la mitraillette.

Mais on est quand même un submergé par la propagande, comme par exemple avec le méchant (John Garfield) qui refuse de servir son pays mais qui finira par le faire, convaincu par le patriotisme de ses camarades et la sauvagerie des japonais.

En tout cas, on est étonné par le contraste techniques entre quelques maquettes d’avions bricolées (qui rappellent celles de Seuls les Anges ont des Ailes, 4 ans plus tôt) et l’utilisation, par ailleurs, de vrais avions. Le début en fait, d’une fructueuse collaboration avec entre Hollywood et le Pentagone*. Une stratégie que va industrialiser Don Simpson, Jerry Bruckheimer et… Michael Bay.

* Comme décrit dans le livre de Jean-Michel Valantin : Hollywood, le Pentagone et Washington, les trois acteurs d’une stratégie globale
Editions Autrement, 2003




vendredi 6 novembre 2015


Seul sur Mars
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Et si le documentaire était la véritable ambition artistique de Ridley Scott ? Et si depuis quarante ans, le réalisateur anglais n’avait rêvé que de transmettre ses connaissances sous forme de docudramas habilement déguisés en fictions de luxe payées par Hollywood ? Et si Seul sur Mars était la révélation ultime de ce procédé ?

Qu’on y pense ? De la Retraite de Russie, la Vie au XXI° siècle, la Mafia Japonaise, la Condition Féminine dans le Southwest, les Croisés de Jérusalem, la Conquête de l’Amérique, les Combats de Gladiateurs, la Bataille de Mogadiscio, la Vie en Provence, le Marketing de la Drogue, l’Exode Biblique et maintenant… la Vie sur Mars, Ridley Scott, enlumineur de génie, n’a fait que poursuivre le travail d’encyclopédie populaire, à l’instar des Tout l’Univers et autre Dis Pourquoi ? de notre enfance.

Seul sur Mars, son dernier projet, coûte la bagatelle de 108M$. C’est cher pour un film dont l’unique vocation semble être de passer sur National Geographic Channel avec voix off ad hoc : « Si l’homme devait un jour s’installer sur mars, comment s’y prendrait-il pour survivre ? ». Avec une réponse de 144mn sous forme de cours de botanique (comment faire pousser des pommes de terre avec son caca), de cuisine (les 1001 façons d’accommoder les dites pommes de terre), de bricolage (sachez fabriquer une serre (ou une coque de vaisseau spatial), avec seulement de la toile plastique et du chatterton), ou de maths : sachant que je produis 30 kg de patates par récolte, combien me faudra-t-il de récoltes pour tenir jusqu’à l’arrivée des secours ?

Le tout emballé, comme tout Danger dans le Ciel qui se respecte, d’une alternance de documentaire et de drame reconstitué. Ici, on n’a pas fait les choses à moitié : plutôt que le sosie de Matt Damon, on a pris Matt Damon lui-même. Avec le gratin de l’Hollywood actuel (Jessica Chastain, Jeff Daniels, Sean Bean), ou à venir (Kate Mara (House of Cards), Chiwetel Ejiofor (12 years a Slave), Mackenzie Davis (Halt and Catch Fire))…

Heureusement qu’ils sont là, les comédiens : les pauvres mettent tout leur talent au service de personnages même pas esquissés (pas d’enjeu personnel, pas de famille, pas de motivations). Ca a un gros avantage : ça permet de voir exactement ce qu’apporte de grands comédiens ; tout ce qu’il y a dans le film, c’est eux qui l’ont apporté.

Pas non plus de trace de dramaturgie à la surface martienne, (faute aux radiations, probablement), sauf l’unique et inquiétante question façon Man vs Wild: comment va-t-on faire pour survivre ?

Une ambiance incroyablement feelgood évite toute inquiétude inconsidérée de la part du spectateur : grâce au courage, au travail, à l’amitié et à la solidarité, et bien sûr à l’ingéniosité américaine, Matt va bien trouver un moyen, putain de dieu, pour faire les 225 000 000 km qui lui reste à parcourir jusqu’à Pasadena.

À côté, Apollo 13, c’est Desplechin, Seul au Monde, c’est Robert Bresson, et Armageddon, c’est Tarkovski. Le parallèle avec le brûlot politico-philosophique des Simpson/Bruckheimer ne s’arrête pas là : pour sauver un homme dans l’espace, la NASA ne suffit toujours pas. La différence, c’est qu’on ne fait plus alliance avec les Russes, mais avec les Chinois (Wladimir Poutine ne va pas être content).

Malgré cela – et tout à fait inexplicablement – on finit par être emporté à la fin et on est bien content que Matt Damon réussisse à rentrer chez lui.

Zut, je crois que j’ai raconté la fin.




jeudi 2 juillet 2015


Quand Les Aigles Attaquent
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Aussi improbable que cela puisse paraître, le Professore n’a jamais vu Quand Les Aigles Attaquent ! Lui qui connait par cœur Les Canons de Navarone mais aussi L’Ouragan Vient de Navarone (avec Harrison Ford, s’il vous plait !), Un Pont Trop Loin, Les Rats du Désert, La Bataille de l’Eau Lourde et Opération Tirpitz, n’a jamais vu que des bouts du duo Eastwood/Burton sur D8, et le fameux duel sur le téléphérique. Mais là, il prend les devants et l’emprunte à Mr Fulci, et on regarde.

Et bien c’est pas mal du tout, Quand Les Aigles Attaquent. Une vraie GCA dans tous les sens du terme. Ça serait produit par Jerry Bruckheimer que ça n’étonnerait personne. Tout le monde tire dans tous les sens, il y a un hélico (sic) et deux blondes à gros seins (assez moches, pour autant), Burton est alcoolo et Eastwood est énigmatique. Et puis il y a un gros twist annoncé dès le début qui indique qu’il va y avoir du grabuge, mais pas celui qu’on croit.

Le tout filmé la plupart du temps dans un silence génial, qui démontre une fois de plus que le cinéma non seulement peut, mais aussi doit se passer de mots.