mardi 30 mai 2017


Mulholland Drive
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

« On meurt, on passe un bout de temps à rêver, et on revient… »

Si un film de David Lynch devait s’appliquer à cette citation du Maître de Missoula, ce serait bien celle-là. D’ailleurs, il n’est pas recommandé de revoir ses films, l’expérience initiale étant souvent la meilleure. Ses films sont des rêves, et on ne fait jamais deux fois le même rêve. David Lynch a toujours voulu – comme Hitchcock – s’adresser aux émotions du spectateur ; Mulholland Drive est l’achèvement total de cette ambition.

Après Twin Peaks, après un séjour à Los Angeles, l’an dernier, il fallait néanmoins emmener la Professorinette voir Mulholland Drive, pièce ultime du puzzle Lynch.

Et même si, à cette relecture, on gagne en compréhension ce qu’on perd en rêve, le film conserve sa magie intacte. Mulholland Drive reste le diamant noir dans la carrière de Lynch, indubitablement son meilleur film.

Tout y est : l’éloge ténébreux de Los Angeles, ville-labyrinthe dont on verra la substantifique moëlle : Winkie’s diner, Pink’s hotdog, les studios de la Paramount et les bureaux des producteurs mafieux, Howard Hughes en cravate à motif damas, ranch dans les canyons et villa de beautiful people sur les Hills, palmtrees sur Rodeo Drive, Downtown L.A. et Hancock Park, et même un duo de flics… tout cela sans le moindre establishing shot*. Los Angeles est grand, mais c’est une prison étouffante pour ceux qui s’y perdent.

Mulholland Drive est aussi un hymne au dark side d’Hollywood, la corruption inhérente à l’Usine, où les rêves fracassées d’une petite blonde de l’Ontario championne de jitterbug échoue dans les contre-allées des lot des studios, condamnée à observer de loin les autres réussir. Tel Janus, on en verra les deux visages montés en juxtaposition ; Betty répétant une scène ringarde dans sa cuisine, puis en offrant une interprétation exceptionnelle** devant des patrons de studios juste après. A Hollywood comme ailleurs, il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne…

Le film est aussi la formidable description du dédale des sentiments, les mystères de l’amour et ceux de la jalousie. Pendant deux heures, un grand cinéaste ne cessera pas de faire confiance au spectateur, l’incitant à débrancher le cerveau (qui essaie de comprendre quelque chose à ce déluge de personnes, de situations, de lieux) et à ouvrir grand son cœur pour, enfin, ressentir.

Il n’y a pas de plus grand film sur ce plan-là. Mulholland Drive, comme Twin Peaks, parle directement à vos émotions ; la peur et l’effroi, le rire et l’amour, le désir et les larmes.

Non, il n’y a pas de plus grand film sur ce plan-là. Mulholland Drive s’adresse directement à votre âme.


* Si ce n’est la classique vue de nuit, avec les lumières de La Brea av, qui indique, comme les cailloux du Petit Poucet, la direction prise par Rita dans la nuit angelino.
** Tout aussi exceptionnelle que la performance de Naomi Watts dont le film fit décoller, à 33 ans, la carrière.


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