jeudi 23 juin 2016


Allez Coucher Ailleurs
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On poursuit l’exploration de l’œuvre de Maître Hawks avec Allez Coucher Ailleurs (I Was a Male War Bride dans la langue de Louis B. Mayer) que la Filmothèque du Quartier Latin a le bon goût de restaurer en version 4K.

Bon, c’est pas Seuls Les Anges Ont Des Ailes mais par contre c’est plus drôle. Comme d’habitude chez Hawks, le film joue d’une inversion sexuelle ; une fille au caractère bien trempé (Ann Sheridan) qui passe cent minutes à humilier son galant (Cary Grant) ; la galant faisant mine de ne pas s’intéresser à elle, et vice versa.

Adapté d’un récit célèbre à l’époque, le réalisateur se régale à mélanger dans son shaker les habituels alcools forts hawksiens : la satire de la bureaucratie tatillonne**, la guerre des sexes, et l’inversion métaphorique (et vestimentaire) masculin/féminin.

Pour des raisons budgétaires, le film fut tourné en Allemagne en 1948, dans un pays encore dévasté par la guerre. Cet effet de réel ajoute encore du contraste aux scènes comiques, qui sont servies par des répliques bien senties***, chargées de sous sous-entendus graveleux, des histoires de petites culottes oubliées et un final hystérique avec un Cary Grant travelo.

Même si tout cela a un peu vieilli, on a vu plus coincé …

* Celui d’Henri Rochard, un militaire belge ayant subi des tracasseries sans fin pour épouser son infirmière américaine, dans les Etats Unis de l’immédiat après-guerre

**Cary Grant, imperturbable, obligé de répéter cent fois son mantra, à cent interlocuteurs différents : « I am an alien spouse of female military personnel en route to the United States under public law 271 of the Congress. »

*** A un homme jaloux qui prétend que Rochard (Cary Grant) est peut-être très beau, c’est un homme mauvais, qui battrait Ann Sheridan, d’ailleurs on a vu des traces, une jeune femme répond : « He could leave marks on me anytime. I’d bring the stick! »




dimanche 19 juin 2016


Snow Therapy
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Snow Therapy fait partie de ces films qui font envie sur le papier, et qui finissent dans la poubelle des « J’ai pas le temps d’y aller ». Celui-ci nous avait été chaudement recommandé lors du Top Ten. Snow Therapy passe sur Canal+, c’est bien, on regarde.

La difficulté à vendre Snow Therapy, c’est qu’il ne faut quasiment rien dire du pitch, car c’est là sa très grande subtilité. Une famille suédoise part au ski, dans les Alpes. Un événement arrive. On ne dira pas lequel, même si la bande annonce, la presse, ou les amis s’en sont déjà chargés.

Cet événement – plus subtil que tout ce qu’on aura pu vous dire – dérange l’équilibre de la famille. On ne peut en dire plus, car on perdrait là l’essentiel.

La subtilité, la délicatesse, la finesse des situations, c’est ça le charme de Snow Therapy. Qualités, vous l’avez compris, que cherche le Professore Ludovico et qu’il a de plus en plus de mal à trouver dans le cinéma contemporain.

Car le film de Ruben Östlund est finalement un mélange étonnant de Festen et d’anti-Festen. Un film sur la famille, et ses conflits internes qui couvent sous la surface. Mais là où Festen est destroy et foutraque, et en plein trip Dogma95*, Snow Therapy est dictatorialement beau, léché, en accord avec son propos. Sous la surface blanche immaculée de la famille nucléaire archétypale (papa fort, mère protectrice, charmants bambins), le magma est prêt à exploser.

Snow Therapy atteint une forme d’abstraction qui va se nicher dans les moindres détails. Östlund enlève par exemple – et ce ne peut être un hasard – toute notion de marque sur les skis, les anoraks, ou les télécabines**, comme si le réalisateur ne voulait pas qu’on puisse s’accrocher à un quelconque détail… et donc nous obliger à se concentrer sur les visages, voir ce qui se passe à l’intérieur de ces âmes. A l’évidence la chose la plus dure à filmer.

Ruben Östlund joue aussi avec les codes du ski, qui parleront à toute personne ayant déjà fréquenté une piste verte. Les télésièges, les téléskis, et la descente elle-même deviennent prétexte à de majestueux travellings.

Le bruit d’un remonte-pentes devient une inquiétante musique concrète, le tunnel sur tapis roulant, une source d’angoisse à la Shining, les hôtels chaleureux, d’inquiétants HLM sans vie. Et c’est sans parler de ce blanc immaculé, omniprésent, qui entoure la plupart du temps des personnages. Les acteurs de cette tragédie minuscule s’agitent sur des pistes étonnamment vides : un grand blanc, brouillard ou de neige poudreuse les encerclent en permanence.

Nous avons là affaire à un très grand film, et un auteur.

* On aime beaucoup Festen.
** Dans un univers de frime intense, ou chaque skieur se jauge sur la marque de son matériel, des lunettes aux chaussettes, tout au plus reconnaitra-t-on la mention « Les Arcs » sur une télécabine, à un moment du film…




mardi 14 juin 2016


Purple Rain
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On a enfin vu Purple Rain. À l’époque de sa sortie, nous étions restés de glace devant ce phénomène de mode, ces garçons et filles habillées de violet avec chemises blanches à jabot, et ce funk étrange. C’était surtout trop populaire pour être honnête. Puis la Princesse de Suède nous convertit aux accords princiers, le temps d’une K7 BASF. Sans jamais aller voir le film, car pas vraiment recommandé par la Princesse. Le film n’était paraît-il pas terrible. Mais aujourd’hui, il passe à la télé en haute définition et en VOST. Et Prince est mort.

On est alors envahi par une drôle d’impression : si on pouvait racheter les droits, on voudrait le refaire, Purple Rain. Car il n’est pas mauvais, le film, il est même assez original. Il est juste très mal fait, limite film amateur. Très belles images, très bonne musique évidemment, mais cadrage incohérents, changements de lumière entre deux plans, éclairages irréalistes…

Mais derrière tout cela, il y a une idée intéressante, la bataille de deux groupes pour la suprématie dans un club, une femme au milieu (Appolonia) qui joue parfaitement la gourdasse*. Prince en est amoureux mais il est encore plus amoureux de lui-même. Et il y a une serveuse qui est amoureuse de Prince, et le groupe The Revolution* (et les sublimes Wendy et Lisa) au bord de la rupture. Et le background compliqué, violence familiales et paternel musicien frustré, tout cela aurait été bien meilleur avec un vrai réalisateur et de véritables comédiens.

* Le traitement des femmes est incroyablement choquant, trente ans après : on jette une femme dans une poubelle ; on laisse une fille prendre froid après l’avoir laissé plongé dans le mauvais lac ; et les femmes qu’on tabasse finissent toujours par revenir
** Qui démontre au passage qu’il était un putain de groupe…




samedi 11 juin 2016


Berberian Sound Studio
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Après avoir vu Duke of Burgundy, on s’était jeté sur IMDb pour en savoir plus sur Peter Strickland, le réalisateur qui signait un tel OVNI. Et on s’était juré de voir ses deux autres films, Katalin Varga, et celui-ci, Berberian Sound Studio. Et voilà qu’une petite négo avec le Service Client de Canal+ nous offre OCS pendant quatre mois, ce qui nous permet entre autres de voir Game of Thrones live, et plein d’autres choses, Mozart in the Jungle, Ballers ou les premiers Jodo… Et, bingo, ce film : voilà l’occasion de continuer notre collec’ Strickland.

Le pitch est tout aussi étrange que celui des Ducs de Bourgogne. Un timide ingénieur du son anglais (Toby Jones, vu déjà un peu partout (Captain America, Hunger Games, Frost/Nixon, W)) débarque en Italie pour mixer et bruiter ce qui se révèle être un film d’horreur. Plus le film avance, plus les scènes sont horribles. Dans la tête du spectateur en tout cas, car tout est filmé un contrechamp et on ne verra aucune image du film Vortex Equestre.

Mais surtout l’ambiance dans le studio se dégrade, l’ingénieur du son est un peu perdu face à l’évolution du film (les deux héroïnes font l’amour dans une ancienne abbaye ayant hébergé des sorcières (vous l’avez compris, nous sommes en plein Giallo)) ; les doubleuses sensées faire les voix langoureuses sont mal payés, d’autres doubleuses arrivent…

Et comme dans Duke of Burgundy, l’étrange impression que ce que nous voyons n’est pas exactement la réalité. Inutile de raconter la suite, car tout l’intérêt es films de Strickland est de s’y immerger, de découvrir petit à petit des univers étranges, passionnants et beaux. Décidément Peter Strickland a un univers tout à fait personnel, mystérieux, érotique, et terrifiant.

Un auteur, en somme.




lundi 6 juin 2016


Roman Polanski: A Film Memoir
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

En 2009, Roman Polanski est arrêté en Suisse où il vient de poser le pied pour… recevoir un prix pour l’ensemble de son œuvre ! Nous avions à l’époque évoqué le sujet ici, sans bien comprendre la compassion qui agitait la corporation cinématographico-culturelle, qui défendait l’un des siens avec un corporatisme plutôt mal venu.

Pour cette histoire de viol sur mineure qui date de 30 ans, (mal) traitée dans le doc Wanted and Desired Polanski se retrouve en résidence surveillée dans son chalet de Gstaad. Alors qu’il craint d’être extradé pour l’Amérique, un vieil ami, Andrew Braunsberg (producteur de Macbeth, et du Locataire), lui propose de l’interviewer sur l’affaire.

Roman Polanski: A Film Memoir est le film de cette interview, ni plus, ni moins, mais cela suffit pour être énorme. Car ce simple champ/contre champ dans un chalet, agrémenté de quelques images d’époque, et surtout d’extraits de films, montrent à quel point l’œuvre de Polanski (et tout particulièrement Le Pianiste), c’est sa vie.

Polanski raconte l’affaire, mais rapidement, il se raconte : Cracovie, le ghetto, les persécutions nazies, le départ de ses parents pour Auschwitz, et le retour du père et de la sœur, sans la mère. Il suffit de voir un vieil homme pleurer sur le sort d’un ami d’école perdu il y a soixante-dix ans de cela pour comprendre que Polanski a mis tout ce qu’il avait refoulé depuis tant d’années dans un seul film, et quel film : Le Pianiste. Et quand on lui demande quel film il préfère, il demande que l’on mette précisément ces bobines-là dans sa tombe ; Le Pianiste, le film où il a-enfin – tout dit.




samedi 4 juin 2016


Red Army
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Je n’aime pas le hockey. Je ne regarde jamais ce sport. Et je ne compte pas le faire dans un proche futur. Pourtant j’ai regardé Red Army, le documentaire conseillé par Mathieu from Epinay, et c’est un fabuleux documentaire sur le hockey. Plus précisément sur l’histoire de l’équipe soviétique des années 80. Celle qui gagna tout, et battit l’Amérique et la Canada, les rois de la NHL et gagna la médaille d’or aux JO de Sarajevo (1984) et Calgary (1988).

Au-delà de cette histoire sportive, il y a la grande histoire, celle de l’URSS triomphante puis de l’URSS délitée, et celle de l’Amérique, miroir aux alouettes pas si accueillante que ça.

C’est aussi la petite histoire, comment cinq gars, pour l’amour de leur premier entraîneur (puis la haine de leur second), devinrent les rois de ce sport puis se trahirent mutuellement au nom de la raison d’état. Une histoire d’amitié, de trahison, et de réconciliation.

La vie elle-même, en somme.




vendredi 3 juin 2016


Mozart in the Jungle, saison 2
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Une bonne idée ne suffit pas pour durer. C’est la démonstration que fait Mozart in the Jungle. Dans cette deuxième saison, tout s’essouffle. On a beau partir au Mexique (sur la terre natale du maestro), on s’ennuie ferme. Les enjeux semblent bêtement plaqués pour faire avancer l’intrigue (histoires d’amour bateau, inversion grotesque de certaines relations (le maestro et son mentor mexicain). Résultat : les personnages ne nous touchent plus. Peut-être a-t-on déjà tout utilisé de Sex, Drugs, and Classical Music, le livre de départ…

C’est dommage, on était tombé amoureux de Lola Kirke.