mercredi 30 septembre 2015


Utopia, saison 1
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

J’ai longtemps renâclé devant Utopia. Pourquoi ? Parce que le Professore Ludovico est raciste : il a un très fort préjugé contre les films esthétiques. La beauté formelle cache souvent le vide de la pensée. Or c’était l’argument principal de vente d’Utopia. De très belles images, aux couleurs acidulées, cadrées arty, et une ambiance à nulle autre pareille… Sous l’amicale pression de l’Homme à la Barbe, qui m’a d’abord laissé, tel le dealer lambda de The Wire, un échantillon de la came Utopia « Regarde juste un épisode, tu me diras si tu veux la suite… » Ah, le ladre !

Mais, as I say, après avoir renâclé pendant des mois, j’ai fini par insérer le premier DVD dans le lecteur. Et là, surprise, surprise, Utopia est un délicieux mélange de terreur sucrée et d’humour glacé, le tout arrosé de la sauce à la menthe chilienne de Cristobal Tapia De Veer, dont le tango deep house sert de thème musical…

Le pitch, in two words : cinq personnes qui ne se connaissent absolument pas échangent sur un forum au sujet d’Utopia, leur bédé conspirationniste préférée (grippe aviaire et expériences génétiques), et la sortie imminente du tome 2 : un trader, un enfant pauvre, une jeune femme gironde, un survivaliste pakistanais et un timide informaticien. Mais cette BD a l’air toute particulière, car elle est aussi activement recherchée par un duo de tueurs étranges et ultraviolents : un rocker à chaussures bicolores qui semble sortir d’Eraserhead et un gros apathique informe (qui, lui, sort de Trainspotting) et ne fait que répéter la phrase culte : « Where is Jessica Hyde ? »

On le voit, on n’est pas dans Esprits Criminels, mais plutôt chez Twin Peaks et Danny Boyle, dans une Angleterre aux forts accents cockney. Mais avec une couche de Lost, car il y a non seulement une idée désopilante par plan, mais aussi un rebondissement énorme par épisode.

Et comme c’est court (2 saisons de 6 épisodes), on a non seulement pas le temps de s’ennuyer, mais encore moins de se poser les questions habituelles de réalisme qui plombent, au hasard, Wayward Pines.

Highly recommendable, donc, you fucking twats!




samedi 26 septembre 2015


Happy Birthday Rocky Horror !
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines ]

Le 26 Septembre 1975, le Rocky Horror Picture Show commençait sa carrière aux Etats Unis (il avait été lancé en août en Angleterre). Ça ne marchait pas trop au début, jusqu’à ce qu’on découvre le culte qui entourait le film aux séances de minuit.

La grande saga du Rocky allait commencer. Quarante ans plus tard, Frank’n’Furter est toujours là.

Bon anniversaire Rocky !

NB Il sera fêté comme il se doit Samedi 31 octobre 2015 au Centquatre, 5 Rue Curial, 75019 Paris, à partir de 19h à 2h
Infos sur www.weezevent.com/rocky-horror-picture-show-party




vendredi 25 septembre 2015


Howard Hawks
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]

Qui n’a jamais vu un film de Howard Hawks ? Personne, en vérité. HH fait partie du club discret des cinéastes dont on a vu les films, mais dont on ne sait pas (ou plus) qu’ils ont été réalisé par le grand homme. Pas comme Hitchcock, Spielberg ou Pialat, mais plutôt comme Kubrick ou Yves Boisset.

Pourtant Howard Hawks c’est l’homme de Rio Bravo, Hatari, mais aussi La Chose Venue d’un Autre Monde, La Rivière Rouge, La Captive aux Yeux Clairs, L’Impossible Monsieur Bébé. Ou encore Scarface, Le Port de l’Angoisse, Le Grand Sommeil, Les Hommes Préfèrent les Blondes. C’est-à-dire l’homme qui a découvert Bacall, Rita Hayworth, Montgomery Clift.

Une paille.

Howard Hawks fait aussi partie de la catégorie de ces réalisateurs longtemps considérés comme de simples faiseurs comme Hitchcock, comme Spielberg, comme, aujourd’hui, Michael Bay.

C’est tout l’intérêt de l’immense biographie (941 pages) que lui a consacré Todd McCarthy, qui permet de suivre le parcours de cet homme énigmatique, au regard bleu acier, ce renard gris qui a fait plier les plus terrifiants moguls et les plus belles femmes d’Hollywood. Et qui a réalisé une série de films, en apparence disparates, qui ont finit par ressembler absolument à une œuvre.

Qui furent les premiers à le signaler au monde ? Les français de la Nouvelle Vague, une fois de plus. Rivette, Godard, Truffaut et de plein d’autres ont théorisé, sous le regard rigolard des américains, ce qu’était une comédie Hawksienne, une héroïne ou couple typiquement Hawksien.

Dans cette biographie longue et passionnante, quoiqu’un peu répétitive (film par film : le salaire, le scénario, le tournage, la sortie !), on apprend ce qu’on sait déjà : Hollywood est une rude industrie tournée vers le profit, qui massacre les génies (Welles…), et où seules les fortes têtes survivent ; les fortes têtes comme Howard Hawks.

Hawks aurait pu être ingénieur ou diriger des entreprises ; il venait d’une famille qui avait déjà fait fortune dans le midwest. Il a préféré s’amuser – beaucoup – à faire du cinéma.

Il aura tout vécu, au travers d’une industrie qui n’a cessé de se métamorphoser, du muet des années 20 au triomphe du cinémascope couleur des années 60. Il a résisté à tous les grands patrons de studios*, de Jack Warner, Harry Cohn, Howard Hughes, ou Selznick, à qui il interdisait d’apparaître sur le plateau. Ils venaient pourtant pour une bonne raison : Hawks était toujours hors budget et hors délai. Comme dans la vie, où il aurait pu finir absolument riche, mais où il fut toujours endetté, par les chevaux, les cartes, et les divorces.

Mais surtout, Howard Hawks a imposé une forme qui lui est propre, même si son cinéma est un cinéma grand public et commercial. Hawks n’a pas fait que des chefs-d’œuvres, loin de là, mais il n’a fait que des succès. A Hollywood, hier comme aujourd’hui, une seule chose compte : make money. Et bon film ou mauvais film, HH a fait gagner beaucoup d’argent à l’usine à rêves. Il s’est essayé dans presque tous les genres, avec succès, en signant souvent des classiques du genre (Scarface, Rio Bravo, La Chose d’un Autre Monde …) Il a créé quelques figures archétypales encore en vigueur qu’on appelle encore aujourd’hui « couple hawksien » ; une jeune femme mince, courageuse, sexy et pointue et un homme viril dont les véritables qualités se révèlent dans des conditions exceptionnelles. Le tout dans une ambiance aux forts sous-entendus érotiques, comme Bacall à Bogart dans Le Port de l’Angoisse : « You know how to whistle, don’t you, Steve? You just put your lips together and… blow. »

La carrière de Howard Hawks se juge aussi à l’aune de l’influence qu’il a laissé sur ses collègues réalisateurs, de John Carpenter, de Palma, Tarantino, Godard, Truffaut, et les nombreux remakes qu’il a su inspirer. Authentiques comme The Thing, ou Scarface. Ou remakes cachés sous influence : Alien (La Chose d’un Autre Monde), Assaut (Rio bravo)… Mais son plus bel héritage reste ce fameux couple Hawksien, de Vivian et Edward (Pretty Woman) ou Elizabeth et Will (Pirates des Caraïbes)…

*Il en a même découvert une, la très belle Sherry Lansing, qui a commencé comme actrice (dans Rio Lobo, seins nus !) et a préféré – au grand dépit de Hawks – devenir directrice à la Paramount (Proposition Indécente, Black Rain, Liaison Fatale…)




dimanche 20 septembre 2015


Wayward Pines, season finale
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

C’est l’heure de faire le point sur ces presque dix heures de Wayward Pines à l’heure où son producteur, M. Night Shyamalan, avoue n’être pas sûr qu’une saison 2 existe et qu’en même temps, la fin de la saison 1 laisse à croire qu’il y aura une suite. Ou pas.

C’est ça Wayward Pines, à moitié brillant et à moitié foiré et complètement à l’ouest. C’est réussi parce qu’il y a une vraie idée, très originale, derrière ce show et un sous-texte qui pose les bonnes questions : doit-on, pour son bien, cacher la vérité au peuple ? Toute forme de répression est-elle envisageable contre le terrorisme ? Et plutôt raté, parce que, comme d’habitude dans la SF US, littéraire ou cinématographique, les idées très originales ont du mal à tenir debout.

Sans rien révéler, on peut simplement se demander comment le postulat qui tient derrière le village de Wayward Pines peut simplement exister. Comment se ravitaille-t-on en essence, par exemple ? Comment répare-t-on les véhicules ? Et pourquoi cette petite banlieue américaine dans les circonstances où se déroule la série ? Est-ce possible techniquement ? Il est évident que non. Et c’est sur cet unique défaut que tout l’édifice Wayward Pines s’écroule.

Car malgré ce que dit Hitchcock sur ce qu’il appelle avec mépris « nos amis les vraisemblants », il ne faut pas interrompre dans une œuvre la suspension consentie de l’incrédulité, ce tour de magie qui permet au spectateur de croire aux hobbits ou à Mary Poppins.

Ici toute l’attention du spectateur était concentrée sur l’intrigue, les personnages ; là voilà soudain distraite par cette impossibilité ontologique. Une fois que le spectateur a compris, il ne pense plus qu’à cela : comment est-ce possible ? Et évidemment, si ce n’est pas possible, comment croire aux autres aspects de l’histoire, qu’ils soient d’ordre sentimental, familial ou social ?

C’est bien dommage car si les créateurs de la série ne s’étaient pas comportés comme des escrocs, en proposant par exemple une solution un peu plus réaliste, un peu plus cohérent avec le postulat de base, on se serait volontiers accroché.

En l’occurrence, c’est confirmé : il n’y aura pas de saison deux est notre prédiction initiale était exacte : si Canal programmait Wayward Pines à la fin de l’été, c’est que ça ne valait pas tripette, et il n’y avait pas que les français pour le penser…




mardi 15 septembre 2015


True Detective saison 2
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

« The war was lost, the treaty signed.
I was not caught, I crossed the line.
I was not caught, though many tried.
I live among you well disguised.
I had to leave my life behind;
I dug some graves you’ll never find.
The story’s told, with facts and lies.
I had a name. But never mind

Et voilà, la petite musique de True Detective va encore traîner dans la tête pendant quelques années encore… Intrigue béton, quoiqu’un peu compliquée (mais a-t-on jamais reproché cela au Grand Sommeil ?), quatuor d’acteurs Farrell-Vaughn-McAdams-Kitsch extraordinaires (sauf Kelly Reilly, vraiment en-dessous), mise en scène au cordeau, générique qui tue, et photographie parfaite, prenant une nouvelle fois à rebrousse-poil les clichés d’une région tout en l’esthétisant à mort : cette fois-ci, la Californie, comme True Detective première itération avait arraché les costumes folkloriques de la Louisiane.

Ce qui est étonnant dans cette série, c’est sa capacité à frôler la faute de goût tout en se rattrapant à chaque fois à quelques millimètres du précipice. On se dit que cette réplique-là ne va pas passer, que cette intrigue-là ne sert à rien ; que cette scène d’action est too much pour être crédible (c’était déjà le cas du drug bust de la saison 1), mais à chaque fois, Nic Pizzolatto retombe sur ses pieds.

La fin (ratée car trop rapide en saison 1) est mieux cette fois-ci, mais ce n’est pas pour cela que l’on regarde True Detective. L’intrigue on s’en fiche, ce qu e l’on veut c’est des personnages faits de chair et de sang comme on en voit rarement dans le séries. Des trajectoires de vie esquissées sur deux décennies, avec les désillusions et les tragédies que cela implique. C’est pour ce qui semble être l’obsession fictionnelles de Nic Pizzolatto que nous attendons de pied ferme True detective 3. Et tout autant l’adaptation de son très bon polar Galveston par Janus Metz.




lundi 14 septembre 2015


Baron Rouge
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

On n’a pas besoin de voir la fin de Baron Rouge pour écrire sa chronique. Bien sûr, on va regarder le film jusqu’au bout, et ce pour deux raisons. 1, nous ne sommes pas des escrocs chez CineFast. 2, le fameux théorème de Rabillon nous oblige à regarder les maigres films qui sortent sur nos sujets fétiches, légionnaires romains, templiers en goguette et autres aviateurs de la première guerre mondiale…

Mais voilà ; après avoir subi une heure de Baron Rouge, on sait à quoi s’en tenir. Une dénonciation des horreurs de la guerre qui tombe dans le panneau habituel, c’est à dire le plus parfait romantisme guerrier.

Et c’est parti pour l’usine à clichés. Ces chevaliers du ciel, de nobles jeunes gens qui ne font pas la guerre comme les autres. Et la gentille infirmière qui ouvre les yeux de ce grand benêt de Baron Rouge sur les horreurs de la guerre. Quand on sait que l’infirmière en question c’est Lena Headey, Dame Cersei Lannister en personne, on regarde jusqu’au bout.

Évidemment, le Baron connaîtra la rédemption. Et malheureusement, il se fera tuer, ce que tout le monde sait déjà. Entre-temps, on aura vu de jolis avions, de très beaux combats, et Lena Headey qui promène son regard triste et son sourire mutique. Tout cela est très esthétique. Finalement, que la guerre est jolie !

CineFast préfère les cinéastes qui disent cela frontalement et essaient d’expliquer que c’est justement pour cela qu’on la fait : Apocalypse Now !, Full Metal Jacket, Enfants de Salauds. Ou au contraire, que la guerre est horrible et que malheureusement, on ne peut s’en empêcher : Voyage au Bout de l’Enfer, Fury, La Ligne Rouge

Mais pour ce genre de film qui est exactement ce qu’il prétend dénoncer : berk ! Dommage, les deux acteurs (Matthias Schweighöfer et Lena Headey) sont très sexy.




vendredi 11 septembre 2015


La Famille Bélier
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

On a du mal à démêler ce qui nous a plu dans La Famille Bélier. La nostalgie, camarade ? Le portrait empathique de la campagne ? Des comédiens qu’on aime bien (Viard, Damiens, Elmosino) et une révélation, Louane, qui chante et joue parfaitement ? Ou bien, évidemment, Michel Sardou ?

N’est-ce pas, tout simplement, de la très bonne mise en scène et un excellent scénario ? En effet, La Famille Bélier respecte à la lettre les consignes du mélo familial. Chaque personnage est clairement identifié avec un enjeu précis et qui tient la route. L’intrigue est plausible, et les retournements de situation ne sont pas délirants.

Ainsi quand Paula (Louane) décide de devenir chanteuse, il est logique que sa mère (Karin Viard) ne veuille pas voir partir sa fille, la seule passerelle pour cette famille de sourds vers le monde extérieur.

Mais tout autant, on comprend le renversement de situation, quand Viard découvre, malgré sa surdité – et via une très belle scène muette -, le talent de Paula. La mère laisse alors la fille partir à Paris.

Ces scènes sont classiques dans le mélo (français ou américain), mais leur réussite dépend essentiellement de la capacité des acteurs à incarner ces figures de style. Ici, tout le monde est parfait. Cette perfection est d’autant plus évidente quand on peut la comparer à une des rares mauvaises scènes (la visite chez le gynéco au début, d’un goût douteux). La faute n’incombe pas aux acteurs, mais bien au texte.

Il y a en plus une spécificité à cette Famille Bélier ; faire jouer des sourds par des non-sourds (Viard, Damiens, Louane, qui « signent » tous correctement la langue des sourds) et arriver à transmettre de l’émotion sans le support habituel du texte. Ce qui, on en convient, n’était pas gagné d’avance.

Mais le tour de force principal d’Éric Lartigau et de Victoria Bedos, sa scénariste, c’est d’adapter un film à partir de Je Vole, la chanson de Sardou, et d’en faire un film d’une heure quarante-cinq. Et d’avoir le courage de dépasser les précautions germanopratines autour du chanteur le plus à droite qui soit, et sa ringarde absolue. Le film fait d’ailleurs un sort à cela pendant la séance d’audition à Radio France.

Si c’est aussi réussi, c’est que le film monte à la perfection la pente raide qui débouche sur ce climax, et Lartigau s’est bien gardé de sortir la chanson avant, alors qu’on y pense pendant tout le film. Le spectateur l’attend, mais patiente avec La Java de Broadway, et autres Je Vais T’aimer. Quand la chanson déboule, les chiens sont lâchés et comme dit Hitchcock, le spectateur est prêt à « réagir et devenir émotionnel ».




mardi 8 septembre 2015


Love
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Gaspar Noé a tout d’un frère. Il a notre âge, il aime les mêmes choses que nous, et partage grosso modo le même point de vue libéral sur la techno, le sexe, les drogues. Sur la sexualité, il se pose la question que nous nous posons depuis toujours : pourquoi le sexe est aussi mal représenté à l’écran ? Dans le cinéma américain, en effet, il semble n’y avoir que deux itérations possibles : la position du missionnaire pour le couple amoureux, et la fille plaquée debout contre la porte pour la passion fougueuse. Tout le reste du kama sutra semble réservés aux personnages damnés, comme expliqué ici.

Au contraire, dans le cinéma français, tout est bon pour montrer des filles nues, souvent jeunes, avec des vieux beaux qui ont systématiquement vingt ans de plus.

Gaspar Noé a donc décidé de prouver le contraire. En montrant une histoire d’amour avec la sexualité, crue, à l’écran. Ce parti pris-là, au moins, est réussi. Le problème de Love n’est pas là. Le problème de Love, c’est que Noé n’a rien à dire au-delà de ce postulat de départ. Et c’est peu pour faire un film, parce que le reste de l’histoire est très faible : un jeune homme se retrouve marié trop tôt, père trop tôt. Il maudit sa compagne tombée enceinte et regrette son amour perdu… c’est beaucoup pour 2h14.

Love est donc constitué essentiellement de flash-backs : comment s’est-on rencontrés ? Comment s’est-on aimés, puis engueulés ? Ponctué, comme un banal film pornographique, de toutes les situations sexuelles possibles. C’est là, évidemment, que le projet de Gaspar Noé devient beaucoup moins intéressant ; ces personnages sont en carton, n’ont aucune épaisseur psychologique ; le petit branleur américain (Karl Glusman), et sa laborieuse voix off, sa pénible épouse, obligatoirement chiante (Klara Kristin), et la vraie femme (Aomi Muyock), brune et ténébreuse comme il se doit. On ne sait pas s’ils jouent mal, car les scènes de sexe sont une performance en soi et les dialogues faiblards les desservent énormément.

Et comme souvent chez Gaspard Noé, c’est trop long partout, il y a trop de scènes de sexe, longues et ennuyeuses et répétitives. Il ne suffit pas de vouloir choquer le bourgeois, il faut un peu le titiller… au final, ces personnes mal joués n’ont pas de personnalité ; on ne les aime pas et c’est bien le paradoxe de Love.

Il reste comme d’habitude chez Gaspar Noé des fulgurances graphiques (cadrages, stroboscopes, …), mais ça n’a jamais suffi à faire un film.




vendredi 4 septembre 2015


Wayward Pines
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Voilà donc la fameuse séééériééévéénement, bizarrement lancée par Canal fin août ; ça doit pas être si bien que ça. Mais bon, le cocktail est dosé pour le CineFaster : M. Night Shyamalan aux commandes, ambiance Twin Peaks et Lost mâtinée de Prisonnier, avec, en prime, une ancienne sweetheart : Carla Gugino, ex girlfriend de Michael J. Fox dans Spin City, ex Spectre Soyeux dans les Watchmen. Plus le beau ténébreux Matt Dillon, ça doit faire le plat pour saucer.

La première couche est cependant un peu bizarroïde car dans ce premier épisode, tout sonne faux, à commencer par le décor de la petite ville proprette de Wayward Pines. Mais on se dit que soit c’est raté, soit c’est fait exprès.

Et le fait est que le pilote ne fait pas de chichi sur les mystères de l’intrigue : Ethan Burke (Matt Dillon) est agent des services secrets, et il a eu un grave accident de voiture. Il se retrouve hospitalisé dans un étrange village de l’Idaho, Wayward Pines, où les habitants se comportent bizarrement. Pendant ce temps, les services secrets cherchent activement leur agent. Mais on comprend vite que quelque chose ne tourne pas rond, entre les précédentes crises d’amnésie du personnage principal, les tons de comploteurs des villageois, sans parler des paradoxes temporels qui pointent leur nez. De plus, la solution de l’enquête de Burke est là devant ses yeux ; il cherchait son collègue disparu, le voici en cadavre dans une maison abandonnée. Tout ça en 41mn.

M. Night Shyamalan se la joue donc postmoderne ; on ne va pas passer une saison à vous expliquer tout ça, on vous le dit tout de suite. Evidemment, la vérité doit être ailleurs, comme dirait l’autre.

Le problème, c’est plutôt Shyamalan lui-même. Le réalisateur wonderboy s’est enfermé tout seul depuis quinze ans dans le-film-à-twist. Après le coup de génie Sixième Sens, le très bon Incassable, la carrière du Spielberg de Pondichéry n’a fait que décliner : Signes, Le Village (qui montre des similitudes avec Wayward Pines, par ailleurs) et le désastre Phénomènes. Au-delà de la faiblesse d’une partie de ces films, c’est plutôt le réflexe pavlovien de guetter la « surprise » Shyamalanienne finale qui a gâché ces films. Savoir qu’il y a toujours une surprise, ce n’est plus de surprise du tout.

Evidemment, tout cela est dans la tête du spectateur à l’orée de Wayward Pines. Mais pour le moment on est suffisamment accroché à l’originalité du personnage principal, formidablement campé par Dillon, pour une fois loin de ces rôles de bellâtre qui ont fait sa fortune. Il est ici aussi à rebours des habituelles victimes du ce genre de conspiration (le Jack de Lost, pour n’en citer qu’un). Au contraire, Ethan est un flic hardboiled, prêt à te péter la gueule si tu ne le laisse pas téléphoner. Il rappelle à cet égard les meilleures scènes de Patrick Mc Goohan dans le Prisonnier.

Donc on va s’accrocher un peu, même si on guette le twist.




mardi 1 septembre 2015


L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Andrew Dominik, Brad Pitt, Nick Cave, Ridley et Tony Scott (à la production), Roger Deakins (le chef op’ de Prisoners, O’Brother, Passion Fish), Casey Affleck, Sam Rockwell, Marie-Louise Parker ; le rassemblement d’autant de talents peut faire peur. Ou tout simplement produire un film parfait, comme L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford.

Comme dans son chef d’œuvre à venir (Cogan, Killing them softly) Andrew Dominik explore – ici en mode western – les sombres mythologies américaines.

Le film débute par un procédé bizarre : voix off narrative sur des images mal mises au point, comme si l’on utilisait une vieille caméra. On va comprendre en cours de route ce processus ; l’histoire de Jesse James, tous les américains la connaissent*. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil, c’est ce que dit ce ton pontifiant de docudrama. Dominik, lui s’intéresse à autre chose : le mythe.

Si le réalisateur néo-zélandais tue d’entrée le suspense, c’est bien littéralement pour « s’attaquer » à cette histoire en prenant – règle numéro 1 du biopic – le point de vue d’un personnage annexe : Robert Ford : l’homme qui tua Jesse James : le « lâche ».

Très lentement (2h33), le réalisateur va détruire son personnage principal (Brad Pitt, une fois de plus extraordinaire) en faisant sombrer le pseudo Robin des Bois sudiste dans la folie. Jesse James n’est pas un gentil bandit, c’est un homme violent, paranoïaque, qui se débarrasse de ses associés quand il a perdu confiance, et les deux frères Ford vivent dans cette terreur. Dans le même temps, il va construire Robert Ford (Casey Affleck), de benêt servile imbibé du Mythe Jesse James, en homme adulte.

Et de s’interroger au passage sur notre étrange passion romantique pour les bandits (Jesse James, Mesrine…) et notre commun mépris pour ceux qui nous en débarrassent, juges, policiers, et autres Robert Ford.

La dernière partie est peut-être même la plus intéressante, métaphore du cinéma violent dont l’Amérique s’est fait la spécialité. Robert Ford devient une star de théâtre, contraint de rejouer ad libitum son coup de pistolet dans le dos, son frère (Sam Rockwell, bon comme toujours) interprétant sur scène le rôle de Jesse James, et répétant, comme le veut le mythe, les fameuses dernières paroles, « ce tableau est bien poussiéreux », avant de s’écrouler, une balle dans l’oreille.

Le Spectacle a ingéré le Mythe.

*Les français aussi : « Vous connaissez l’histoire de Jesse James, comment il a vécu, et comment il est mort. Vous en voulez encore ? »