[ Séries TV ]

Il n’y pas que le Cinéma dans la vie.. y’a aussi quelques séries TV…



vendredi 19 avril 2024


The Office
posté par Professor Ludovico

Le 28 janvier 1077, Henri IV, pas le nôtre, mais le futur souverain du Saint Empire Romain Germanique, se rendit à Canossa, pieds nus dans la neige pour se faire pardonner par le Pape.

C’est aujourd’hui le moment pour le Professore Ludovico, non pas d’aller à Canossa, au cœur de l’Emilie Romagne,  mais chez Dunder Mifflin, Scranton, Pennsylvania, pour se faire pardonner de ses enfants qui lui serinent depuis des années les mérites de The Office.

Il est vrai qu’une série sur la vie de bureau avait peu d’attrait. En rentrant du travail, on a soif de Ver des sables et de Mafia du New Jersey, plutôt que de Steve Carell et de sa bande de joyeux papetiers.

La série avait donc été rejeté par le snobisme proverbial du Professore, qui ne goûtait guère la sitcom caméra portée, façon Arrested Development.

Mais voilà, on passe devant le pilote (visionné pour le 365ème fois par le Professorino), on tombe dans le pot de Nutella et on enchaîne les 201 épisodes, les 4000 minutes, les 66,66 heures de The Office. Et on trouve ça drôle, court, punchy.

Le monde du travail est mal représenté au cinéma. Le cinéma français ne connaît pas grand-chose à la vie des entreprises. Aux États-Unis, au contraire, on a souvent travaillé avant d’avoir eu la chance de percer à Hollywood. Et la documentation poussée fait partie du travail du scénariste… L’atout majeur de The Office, derrière sa dinguerie, c’est la pertinence de sa vision du travail. Ses chefs égocentriques et pas finauds, ses collaborateurs fainéants, déprimés ou un peu trop corporate.

Si la série a pâti du départ de Steve Carrell (se prenant les pieds dans le plat en virant à la rom-com feelgood), elle reste un immense monolithe cringe, une description réaliste et foldingue du secteur tertiaire au XXIème siècle.

The Office a fini par être ce qu’elle prétendait simuler : un documentaire.  




mardi 16 avril 2024


Masters of the Air
posté par Professor Ludovico

Dans Multiplicity, un film de 1996, Michael Keaton se clonait pour être partout à la fois, mais à chaque clone, il devenait plus idiot. C’est ce qui est en train d’arriver à la série Spielberg/Hanks sur la Seconde Guerre mondiale, initiée par le succès du chef-d’œuvre Il faut Sauver le Soldat Ryan. Révolutionnant le genre, Band of Brothers était un spinoff inspiré, montrant notamment des Américains pas toujours gentils avec les nazis. The Pacific était déjà un ton en dessous, et Masters of the Air est, quant à lui, vraiment raté.

C’est lié intrinsèquement à son ADN « héroïsme/patriotisme/Si-Les-Ricains-N’étaient-Pas-Là-On-Vivrait-Tous-En-Germanie », mais c’est aussi dû au manque d’enjeu, inhérent à ce que ça raconte. Rien de plus répétitif que des missions de bombardiers. Band of Brothers faisait voyager ses héros à travers l’Europe, avec parachutage à Sainte Mère-Eglise, embuscade à Bastogne, et libération des camps… Ici, dans un parti-pris de réalisme, on ne voit rien. Les B-17 décollent, survolent gentiment la Manche, se font canarder par la Flak (ça secoue un peu, un coéquipier se fait plomber) et puis les chasseurs allemands arrivent et vous croisent à 400km/h. Et voilà, on a perdu Bill et Joe. Pas de rebondissements, ou des rebondissements téléphonés.

Et cette fois-ci, c’est plus gnangnan que d’habitude. Tous ces pilotes ne sont que des braves gars, qui souffrent le martyr pour libérer l’Europe. Pas un seul gars rendu fous par la guerre, pas un seul raciste quand les pilotes noirs débarquent, pas un gars un peu lourdingue avec les petites anglaises au pub… Il y a bien une petit prise de conscience sur les bombardements massifs, mais c’est un peu forcé. Aucune aspérité ne viendra créer le moindre enjeu ou engendrer une quelconque émotion.

Il reste néanmoins une découverte : Austin Butler, dont on n’avait pas vraiment pu apprécier les talents d’acteur dans Dune, et qui révèle ici, beau comme un dieu triste, sa moue Elvisienne et une tristesse inconsolable, qui n’a pas fini de nous fasciner.




mardi 9 avril 2024


Full Circle
posté par Professor Ludovico

Dans les séries, il y a parfois des pilotes laborieux, comme celui de Friends, mais qui ont le mérite de tout installer en trente minutes. Et puis il y a des pilotes lumineux qui vous clouent contre le mur. C’est le cas de Full Circle, dont on découvre seulement au générique de fin qu’il est réalisé par Steven Soderbergh. Et là tout s’explique. Soderbergh, l’ancien geek, le coinçouille qui n’arrivait pas à pécho, et qu’un petit film, Sexe, Mensonges & Vidéo, a propulsé instantanément au gotha Hollywoodien. Soderbergh, c’est aussi la tête brûlée qui a claqué (plusieurs fois) la porte d’Hollywood, lassé du manque d’ambition artistique de l’Usine à Rêves.

Steven Soderbergh a donc rejoint la télé, pour notre plus grand bonheur. Car le cinéaste maîtrise à la fois les invariables du genre, passant du mélodrame (Erin Brockovich), au film de braquage (Ocean’s Eleven), tout en ayant un propos (Magic Mike), mais surtout, en cherchant continuellement à innover, à repousser les limites du cinéma, sans jamais passer dans l’abscons. Qu’on pense ainsi à son Kafka (filmé en studio, en noir et blanc), à Traffic (un des premiers films camera portée), à Girlfriend Expérience (tournée avec une RedOne en 16 jours), au jaune de Contagion, à la B.O. électro de la série en costumes The Knick, etc. Avec Soderbergh, on a toujours l’impression de voir quelque chose qu’on n’a jamais vu au cinéma.

C’est le cas de Full Circle, qui frise tout simplement la perfection. Soderbergh fait pourtant un pari risqué en nous offrant un puzzle de 5000 pièces en guise de pilote, répandu en bordel sur la table du salon.

Jugez plutôt : un guyanais se fait descendre dans la banlieue de New York, on lui vole 60 000 € de dollars, la mafia guyanaise veut se venger. Mais Mme Mahabir, la Marraine de cette mafia, veut d’abord recevoir l’avis du bon docteur vaudou, M. Woulghby. Celui-ci préconise, avant toute vengeance, de compléter le cercle, afin d’enlever la malédiction qui pèse visiblement sur sa famille.

Compléter le cercle ? Des full circles, il y en aura beaucoup dans ces six petites heures de diamant brut. Porté des acteurs exceptionnels, des dialogues brillants, ce whodunit pourrait, comme l’avait prédit Hitchcock, être parfaitement chiant, tant la réalisation semble garder toutes ses informations pour elle. C’est tout le contraire. Les questions fusent en permanence. Que vient faire ce couple bourgeois dans cette histoire ? Quel rapport avec les guyanais ? Qui est ce pakistanais ? Et ce gamin ? Et cet autre gamin ? Et ces autres gamins !! ? Soderbergh fait le pari de ne rien donner, ou alors pièce par pièce. Au public, charmé, d’assembler le puzzle. On progresse ainsi implacablement jusqu’à la dernière scène, où le spectateur, épuisé mais ravi, pourra poser la dernière pièce.

Fini !




vendredi 15 mars 2024


Fiction à l’Américaine
posté par Professor Ludovico

On fait souvent au Professore le reproche d’exiger du cinéma actuel d’être aussi bon qu’une série. Dune, pour ne pas le citer, n’a pas le temps, en deux heures, de développer ses personnages, ses arcs, ses enjeux.

Foutaise ! répond l’Imam Caché de UCLA. Cela reviendrait à dire serait avouer que Rio Bravo n’a pas d’arc, Star Wars n’a pas de personnages, que Le Juge Fayard ou Garde à Vue n’ont pas d’enjeux…

Non, il est possible en deux heures de raconter une histoire, c’est le cas d’American Fiction, petit film Prime Video dont la réputation augmente de jour en jour depuis qu’il a décroché un Oscar (meilleur scenario d’adaptation).

Le pitch est intéressant plus d’un titre : un écrivain noir (le toujours très bon Jeffrey Wright) en a assez de voir les afro-américains cantonnés dans les clichés raciaux*. Monk est un bourgeois, fils de bourgeois. C’est un romancier doué, qui écrit sur son expérience de bourgeois américain. Mais ses manuscrits sont régulièrement refusés. Pourtant ce qui marche, c’est une littérature de Blaxploitation qui met en avant le côté le plus obscur (et néanmoins juste) de l’expérience afro-américaine : la violence, le ghetto, la prison, le racisme…

A bout de nerfs – et sous l’emprise de l’alcool – il décide par pure provocation, d’écrire un livre gangsta sous pseudonyme. Evidemment, comme dans toute bonne comédie, le piège se referme sur lui. Son manuscrit est accepté.

Le talent du film n’est pas là, mais il prouve en deux heures qu’on peut parler des noirs, des gays, des vieux et du racisme, sans être woke, créant ainsi une forme raccord avec le propos.

Mais surtout, il crée une galerie de personnages avec leurs enjeux, en vingt petites minutes de mise en place : un sourire, un haussement de sourcil, un plan large, un travelling…

Il lui reste 100 minutes pour les développer – et les résoudre.

Ça s’appelle le cinéma.

*  « You’re not fed up with it? Black people in poverty, black people rapping, black people are slaves, black people murdered by police, whole soaring narratives about black folks in dire circumstances who still manage to maintain their dignity before they die.I mean, I’m not saying these things aren’t real, but we’re also more than this. »




vendredi 23 février 2024


True Detective Night Country
posté par Professor Ludovico

Même les meilleurs peuvent chuter. Cette saison 4 de True Detective, la cop show anthology de Nic Pizzolatto qui avait bouleversé HBO en 2014, semblait prometteuse. Ses créateurs avaient juré de ne pas retomber dans les quelques défauts des saisons précédentes. Remusclée (seulement six épisodes ici), féminisée (deux fliquettes à la place des duos machos précédents), Issa López, une écrivaine mexicaine au showrunning et Billie Ellish au générique). Pizzolatto avait même quitté le bateau.

Dans les faits, ça part bien, les cinq premiers épisodes sont au niveau d’excellence HBO, et dans le canon esthétique des autres True Detective. Deux flics que tout oppose, une fliquette croyante, l’autre sceptique, le passé qui remonte à la surface, les querelles familiales, la pollution, les femmes qu’on violente, encore et toujours.

Mais voilà, arrive l’épisode six. Ça n’allait pas vite avant (et on aimait bien ça) et là, faut accélérer. Tout résoudre d’un coup, et on se dit que ramasser cette histoire en six heures risque de pas être une si bonne idée. Ça ne rate pas. L’intrigue prend des raccourcis et il faut maintenant des séquences explicatives pour démêler le mystère. Les dialogues – laborieux – sont chargés de faire le job. Rien de plus artificiel au cinéma.

Si l’intrigue évoluait jusque-là dans les racines séminales de The Thing/28 Jours de Nuit (ambiance station polaire fantastico-policière), sa résolution « réaliste » devient très insatisfaisante. Trop trendy (Servante Ecarlate style), trop dans les maux de l’époque, et en même temps tellement basiquement américaine (œil pour œil/dent pour dent), cette saison sort de ses rails originels. Ambiguïté, pessimisme profond, ces qualités si peu américaines qui faisaient sa force.  

Night Country ressemble à une symphonie qui se terminerait sur une fausse note.




mardi 13 février 2024


Fauda
posté par Professor Ludovico

En pleine nouvelle guerre israélo-palestinienne, quelle meilleure idée que regarder Fauda, qui raconte la vie d’agents israéliens infiltrés à Ramallah ou à Gaza ?

Cela a déjà donné quelques séries, mais on regarde surtout pour le côté dépaysant de l’affaire. Une série israélienne, tournée en hébreu et en arabe, cela promet de l’action, du réalisme, et de la tragédie. C’est souvent le problème. Ce genre de série (24, Homeland, Le Bureau des Légendes) ne peut survivre que par la surenchère tragique, et c’est un petit peu ce qui se passe. Il ne fait pas bon faire partie des proches cette unité spéciale, car tout le monde y passe. Petite copine, père, beau-frère, collègue… ça peut devenir too much au bout d’un moment.

Mais en même temps – et malgré le côté évidemment pro-israélien de l’affaire – la description ethnologique est passionnante : palestiniens comme israéliens parlent les mêmes langues, mangent la même nourriture, aiment les mêmes femmes, et pourtant se haïssent sans fin…




mardi 22 août 2023


Meurtres en Pays Cathare
posté par Professor Ludovico

De retour de mission pour l’Ahnenerbe à Montségur afin de trouver le Graal et le code Da Vinci, le Professore se devait de regarder Meurtres en Pays Cathare, le passionnant cop show de France 3, oui les gars qui nous ont donné déjà Les Mystères de l’île (à l’Ile d’Aix) et 60 autres meurtres dans toute la France, soit dix saisons au compteur (wikipedia sic).*

Rappelons le pitch : il s’agit de récolter le maximum de subventions de la DRAC Occitanie et du Conseil Général de l’Ariège en assurant la promotion de ladite région avec quelques plans pas mal foutus de paysages idylliques. Comme d’habitude, on se fait avoir, trois jolis plans de drone de la région, le reste en studio, voilà des impôts locaux bien utilisés…

Quant à l’histoire de Meurtres en Pays Cathare**, elle reste cousue du même fil blanc que ses soixante collègues : une jeune fille BLONDE est assassinée dans le château de Puivert***. A ses côtés, un jeune trisomique aux mains ensanglantées. On vous rassure tout de suite, le jeune trisomique – bien qu’accusé à tort – n’est pas le meurtrier****…

Non, ce n’est pas lui qui a tué, on va le découvrir 1h30 plus tard : c’est bien la meilleure amie de la victime, maman BRUNE d’un jeune garçon à tête BLONDE. On nous aura donné quelques indices (7 ou 8 plans sur le gamin avec sa maman qu’a pas les mêmes cheveux que son fils). Entre-temps, on aura suivi la fliquette-bonasse-dont-le-frère-trisomique-est-injustement-accusé, le flic-quadra-pas-mal-fait-de-sa-personne-qu’a-une-TSI*****-avec-sa-collègue-malgré-qui-sont-pas-d’accord-sur-le-coupable, la Fausse Piste 1, la Fausse Piste 2, la Fausse Piste 3, et au bout d’une heure, pour relancer intérêt, la Fausse Piste 4, à savoir la Fliquette qui se trouvait pas loin du crime, dis-donc-comme-de-par-hasard-mais-en-fait-non-c’est-pas-elle******.

Bref Alfred Hitchcock n’a qu’à bien se tenir. Demain, on parle d’une autre petite dramatique sans prétention : Voyage au Bout de l’Enfer.

* Rappelons qu’en 2022 les réalisateurs avaient protesté contre le trop plein de séries policières sur le service public : en 2021, 85 % des fictions télé diffusées par les chaînes du groupe public. Nettement plus que TF1 (11 %), Arte (3 %) ou M6 (1 %).

** Il n’y a qu’un meurtre, mais Ludovico ne va pas chipoter : ça laisse plus de suspens !

*** Oui celui de La Neuvième Porte de Polanski, clin d’œil cinéphile !

**** Le jour où un membre d’une minorité sera le véritable meurtrier, on aura fait un grand pas dans l’égalité et la lutte contre le racisme. 

****** Mulder et Scully, vous avez l’image ?

******* On se moque de la photocopieuse Marvel ou de la Xerox de chez Disney, mais celle de France 3, qui ne fait que du noir et blanc, n’est pas mal du tout.




mardi 25 juillet 2023


Fleabag
posté par Professor Ludovico

Comme d’habitude, il faut suivre les conseils du Snake, mais avec 3-4 ans de retard. Fleabag, c’est la révélation Phoebe Waller-Bridge*, incroyable scénariste et principale interprète de cette série, dont on a du mal à imaginer qu’elle ne soit autobiographique. Centrée autour du personnage ultraclassique de Fleabag, trentenaire à la ramasse (pas de mec, boulot nul, et parentèle exaspérante), la série tire pourtant un miel original de cette situation. L’amant débile mais bon coup, la belle-mère insupportable, la sœur qui a réussi, la bonne copine bien plus marrante qu’elle, tout cela pourrait être convenu, mais génère en fait, sous la plume très trash (mais très britannique) de Miss Waller-Bridge, des virages parfaitement inattendus…

On ajoutera – comme unique gimmick -, le regard caméra de la demoiselle, qui vient briser le quatrième mur à coup de sourires assassins, assaisonné de riffs punk (ou de chant grégorien).

Que demander de plus ?

*Actuellement à l’affiche dans Indiana Jones et le Cadran de la Destinée




lundi 24 juillet 2023


King Kong vs Godzilla (Studios contre GAFAM)
posté par Professor Ludovico

C’est la polémique du moment : suite à la grève Hollywoodienne des scénaristes puis des acteurs, on voue aux gémonies Amazon, Netflix, Apple, etc. Il semble au Professore Ludovico (qui n’a rien à gagner dans l’affaire) qu’on confond deux problèmes.

Le premier, c’est l’avidité des studios, totalement avérée chez les GAFAM, mais qui n’est pas moindre chez Disney, HBO, où à la Warner. Et cela, de toute éternité. Si on ne les contraint pas, les studios ne font jamais évoluer les droits dérivés qui font vivre les différents artisans de l’Usine à Rêves… Il y a vingt ans, c’étaient les droits DVD qui enrichissaient télés et majors, et les artistes touchaient peanuts. Moralité, déjà une grève dévastatrice… Aujourd’hui, c’est le streaming, mais l’idée est la même.

Le deuxième problème serait de considérer ces GAFAM comme les destructeurs d’Hollywood, comme une récente interview de Mel Brooks, consterné de voir Prime Video occuper aujourd’hui les anciens studios de David O’ Selznick, Monsieur Autant en Emporte le Vent.

Pourtant c’est le contraire : les Netflix, Apple, Prime injectent non seulement des milliards de dollars dans la production, mais les résultats sont à la hauteur . Les séries originales (Stranger Things, Severance, For all Mankind, Bonding, The Boys, Too old to Die Young, Arcane…), les documentaires (Tiger King, Wild Wild Country, Fran Lebowitz (pretend it’s a city), Drive to Survive…) sont tous d’excellents produits télévisuels.

Seuls les films sont restés un peu en dedans (en donnant carte blanche à des films qui ne le méritaient pas (Mank, The Irishman, Athena…)), mais produisant aussi des réussites impossibles en salle (The King, The Vast of Night, Prospect…)

Les GAFAM, comme la télévision en son temps, puis le magnétoscope ou le DVD, sont en train de révolutionner le cinéma et de bousculer les studios. Qui survivront, ou pas. Mais le cinéma, lui, restera.

Time waits for no one.




mercredi 28 juin 2023


Hernán
posté par Professor Ludovico

C’est la bonne surprise du mois. Hernán fait partie des séries « Théorème de Rabillon » : une série sur la conquête du Mexique, ça ne court pas les rues. La preuve, y’en a aucune. Jusqu’à Hernán, en tout cas. 

Donc on regarde quoi qu’il arrive, même si on ne connaît personne dans le casting, même si ça a l’air d’être une production fauchée mexicano-espagnole (ce qu’elle est…)

Pour le Professore, c’est la série casse-gueule par excellence. Ici, on est sur les terres du Ludovico, et il a la gâchette facile. À la première incartade, un bon coup d’arquebuse ! Mais en réalité, Hernán coche toutes les cases historiques de cette incroyable et terrible épopée qu’est la conquête du Mexique. Cortes n’est pas présenté comme une brute sanguinaire, les conquistadors ne sont pas venus pour convertir les Aztèques au christianisme, mais pour l’or, et pour rattacher cette province au Roi d’Espagne. Les Aztèques ne sont pas des idiots, ils savent que les Espagnols ont débarqué, et ils font tout pour qu’ils repartent… Si Moctezuma prend un instant Hernàn Cortes pour dieu, celui-ci le détrompe immédiatement. L’empire aztèque va tomber, non par bêtise, mais parce qu’il opprime tous les peuples alentour, et que Cortes, fin stratège, les a rangés de son côté. Tout cela étant fortement documenté dans le chef d’œuvre sur le sujet, La Conquête du Mexique, le témoignage de visu de Bernal Díaz del castillo, d’ailleurs un des personnages de la série.

Ne pas succomber au misérabilisme naïf, ni à une repentance absurde, reprendre cette histoire honnêtement et scrupuleusement, voilà les qualités déjà immenses d’Hernán.

Après, le cinéphile en demande toujours plus… Côté fiction, la série est beaucoup plus faible. Les personnages sont esquissés, mais pas développés. La narration à base de flashbacks, pour aboutir à la Noche Triste, ne sert pas à grand-chose. Et il manque du souffle, du sense of wonder, de l’étrangeté.   

Hernán peine à retranscrire ce choc inédit de civilisation : le monde gréco-judéo-chrétien, monothéiste, percutant de plein fouet les immenses civilisations précolombiennes, polythéistes, tout autant évoluées. La stupéfaction de ces petits Blancs d’Estramadure devant les pyramides colorées « plus grandes que Rome » est décrite abondamment par Díaz del castillo, mais la série n’en fait rien. Une scène est révélatrice de ce manque d’ambition. Dans un flashback, les conquistadors marchent depuis des semaines vers Tenochtitlan, la capitale aztèque. Ils franchissent la dernière montagne : gros plan sur leur émerveillement, puis contrechamp sur la ville : une île au milieu d‘un lac. Le plan est très mal fait, on ne voit rien, c’est un plan fixe. Pourtant, la série a bien reconstitué la ville en 3D, on en voit des bouts à plusieurs reprises. C’est comme si les showrunners n’avaient pas su quoi faire de cette scène, pourtant capitale… Il manque tout simplement à Hernán un artiste habité d’une vision. Le Werner Herzog d’Aguirre, ou le Mel Gibson d’Apocalypto.

Hernán est l’habituelle série historique, avec des hommes debout, en costume et l’épée à la main, qui commentent l’histoire au lieu de la vivre.   




avril 2024
L M M J V S D
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930